jeudi 26 novembre 2009

Terre de feu

Sitôt franchies les bases militaires de Rio Gallegos, le paysage se mue en une gigantesque et somptueuse plaine, étale, ponctuée de cônes volcaniques. L'herbe et des fleurs éparses (pissenlits) détrônent la rocaille. Dans le cratère de la Laguna Azul, une douzaine de chevaux sauvages glissent sous l'escarpement pour s'abreuver, parmi des buissons de lave et des grottes aménagées par les dévots en sanctuaires (une pancarte pourtant l'interdit).   

La région abonde en gisements pétrolifères. Les hommes l'ont si bien partagée qu'il est nécessaire de traverser le Chili pour poursuivre la route 3 argentine. A la frontière sont rejetés légumes et fruits crus, œufs crus, viandes, fromages et miel.

Collines, bourrasques intimant une avancée paisible, détroit de Magellan strié d'écume, une demi-heure de traversée en bac parmi les camions, débarquement sur la grande île de Terre de feu. Résonnance de noms magiques.
Course de l'ombre des nuages, douces ondulations de l'asphalte, pistes, poignée d'estancias bâties de barraques aux toits verts, orange, rouges ou bleus, China Creek (évocation du roman « Cabo de Hornos » de Francisco Coloane), bergers montés et chiens, troupeaux de moutons, lièvres, renard gris, flamants roses, canards aux ailes rayées, cuvettes marécageuses, flaques mauves frissonnantes, lac brun tourmenté de vagues, clôtures (rien n'est libre), immensité.
Avions de chasse, fin du tronçon chilien, trois motos en panne d'essence, pancarte « Las Malvinas Son Argentinas (revendication des îles Fawklands) », lent balancier des puits de pétrole, étiquettes jaunes au franchissement des gazoducs (pression et numéro d'urgence), steppe couleur de paille, océan, ville.

Les indiens Ona, Alacaluf et Yahgan, dont les premiers explorateurs perçurent les feux, ont disparu. Dans des bourgades désolées, les jeunes se contentent de rodéos de voitures et de bris de bouteilles de bière.

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