lundi 28 septembre 2009

En famille


Poursuite vers l'Atlantique. Long ruban de belle asphalte, faubourgs industriels, océan de brouillard, péages, villes et villages épars, collines cultivées (on se croirait en France), reliefs tropicaux, roches et cascades, rivières boueuses.
 
Il nous a été conseillé de stationner la nuit dans les stations-service. Au dernier moment, pourtant, nous tentons notre chance sur une piste qui s'éloigne d'un bourg. Notre vocable est limité : « endroit, dormir, sûr », mais pertinent.
Sur son terrain (nous n'avions pas remarqué la barrière), une famille nous accueille, d'abbord timidement, puis nous offre le café (grosse collation), le dîner, la douche, le petit-déjeuner et, comme une manifestation est venue bloquer la route principale, nous invite à demeurer une journée supplémentaire.
Immersion. Promenade, pêche, bricolage, lessive, cuisine, télévision, vie de famille... Nous ne disposons pour les remercier, de nos réserves argentines, que d'une bonne bouteille de vin (mais nos hôtes apprécient plutôt le vin sucré) et de gourmandises à la dulce de leche (confiture de lait). Sourires et sincérité feront le reste.

Dehors il bruine. Vert trempé. Froid de nouveau. Seul un poêle dans la cuisine, consumant des déchets de maïs, réchauffe la maison. Finitions de l'habitat sommaires, carrelage, antenne parabole et chaîne hi-fi, résistance électrique sur la pomme de douche (agréable mais inquiétant), meubles dépareillés, bibelots catholiques.
Trois générations cohabitent. Maria Elza, Jose Marcos, Jaqueline, Gilmar, Geliane, Jeferson, João Marcos. L'activité de ferme supplée aux métiers de menuisier, chauffeur routier, infirmière. Potager, pins, eucalyptus, bananes, manioc, volailles, vaches, cochons, mule, chevaux, étang, sources.
Repas avec une multitude de plats, à base de riz, manioc, fèves et viande. Congélateur immense. Déchets sur la nappe, pas de serviettes, cure-dents. Café au lait sucré dès le biberon (Marine aime). Caipira (ti' punch à la cachaça), partagé dans un même verre (Marine aime).

La rencontre crée la richesse du voyage. Mais chaque séparation, avec ses vaines promesses de se revoir un jour, étreint le cœur du voyageur. 

vendredi 25 septembre 2009

Senteur paradisiaque au Brésil

Pour contempler les chutes depuis leur rive brésilienne, nous franchissons le rio Iguazú. Formalités frontalières, d'immigration pour les personnes et de douane pour le véhicule, aisées et drôlement conviviales.
Dans le parc nationnal d'Iguaçu (noter la subtile variation de l'espagnol au portugais), végétation luxuriante, oiseaux et papillons scintillants, coatis (tapirs), inouïe splendeur de la rivière brune brisée en centaines de torrents d'écume, arcs en ciel, embruns et remous, féérique panorama.

A Foz do Iguaçu, les banques sont en grève et les distributeurs (qui ne sont pas en panne) n'acceptent pas les cartes bancaires étrangères... Stress.
Nous nous évadons vers l'est (en direction de la mer), manquons la route principale 277, échouons sur des kilomètres de pavés défoncés, environnés de champs, empreintons fortuitement un sentier, attirés par une pancarte d'« agro-tourisme ».
A notre approche, notre hôte vient trancher à la machette les branches basses :« nous ne parlons pas la même langue, mais nous allons nous comprendre ».


En effet, dans un paradis de 10 hectares, calme, offrant ruisseaux, étangs, 54 sortes de fruits, moult animaux de ferme, insectes (la perfection n'est pas de ce monde), arbres, pelouses, longue salle d'auberge aérée, jeux d'enfants, télévision pour le brasileiro (championnat nationnal de football) et, le soir, vibrant orchestre de la nature, nous passerons trois nuitées délicieuses.  
Teresiña Fontana et Joaquim Hercilio de Jesus nous choient (si l'épouse ne tenait pas les cordons de la bourse, le mari nous aurait même nourris gracieusement).
Pour le repas, élaboré naturellement (vivons bio), en quasi autarcie, avec un cheval pour seule aide : pain, poisson, poulet, porc, crème, piment, riz (cultivé au nord du pays), fèves, manioc, fruits et légumes inconnus (de nous), confitures, jus de maracujas...
Pour notre bien être : bains d'argile, puis rinçage sous la cascade, cachaça (cousin du rhum) parfumé de plantes médicinales, change de nos pesos argentins en reais (minimum de survie, pour les péages), conseil d'un itinéraire évitant les contre-bandiers armés et cupides.
Pour notre culture : traite des vaches, déambulations et interprétation de la flore, artisanat de chapeaux de paille de la nona de 84 ans, histoires de mariage entre imigrés italiens et indiens Guaranis.
Pour la veillée : mate, « la » boisson sud-américaine, à base de feuilles et d'eau chaude, bue dans un verre en terre avec une paille métallique, échangée de convive en convive, et chants caipira (country) avec guitares et viola caipira (guitare à 5 doubles cordes, accordée en open tuning de mi). A croire qu'ici tout le monde est musicien ! « Quiem canta os males espanta (chanter soulage les maux) ».

Détente, contemplation, lutte contre les piqûres, large nettoyage de printemps. Comme première halte de notre périple, pouvions-nous rêver mieux ?

jeudi 24 septembre 2009

Chutes d'Iguazú


Indicible. Soleil. Cataractes d'eau. Une merveille. Après les chutes, Marine est la plus photographiée par les (nombreux) touristes.
Rencontre de la charmante famille au-tour-des-ameriques.com.

mardi 22 septembre 2009

Tiédeur tropicale


Près de Posadas, dans la bande argentine qui se glisse au nord-est entre Paraguay et Brésil, nous pénétrons dans le territoire des « missions » jésuites, bâties au XVIIème siècle.
Des collines s'enflent, les plantes exotiques se mêlent étrangement aux forêts de conifères, la moiteur s'exhale du sol carmin, quelques tons vifs bariolent des maisonnées de briques ou de bois ceintes d'une herbe grasse.
Visite des ruines de grès rose de San Ignacio Mini, sous une averse tropicale.

Courses alimentaires, dont 1 kg de 5 parfums de glace (spécialité argentine). Malheureusement, notre réfrigérateur à gaz ne s'allume plus. Recherche d'un réparateur, démontages, vaines tentatives de réparation. La nuit est tombée, il ne cesse plus de pleuvoir, un orage embrase l'horizon entier, notre moral s'affaisse.
Mise au point d'un programme pour consommer tous les produits frais, dont la confection (pour absorber du beurre) d'une tourte au pomme de terres et d'un crumble aux pommes. Il n'avait jamais fait aussi chaud...

dimanche 20 septembre 2009

Pleine nature


Au sud du Paraguay, traversée du parc Esteros del Iberá par 230 km de piste. Le camion chahute, gîte, plonge, s'asperge jusqu'au pare-brise de boue, absorbe sans peine les longs rubans de terre sanguine. Aussi incroyable soit-il, nous manqUons le village (unique) de Colonia Carlos Pellegrini... Trophées : de charmants oiseaux, 2 caimans, 2 carpinchos (cousins du ragondin, de 75 kg).
Nuitées « sauvages » en bord de piste. Calme, féerie du crépuscule, sérénité de l'aube, consolation de l'objectif manqué, resserage de boulons, douce chaleur, parfum d'aventure.

jeudi 17 septembre 2009

En route !


Départ de La Cumbre par une piste tortueuse, magnifique. Nos affaires valsent dans la maison, une branche basse déchire un cache sur le toit et perfore le coffre. Dommage, nous étions prévenus. Réparation de fortune.
Routes plein est vers Santa Fe. Espaces à l'infinie monotonie, plaines, prairies, bétail, citernes et éoliennes de western pour l'eau, une berge de lac, camions, stations-service démesurées, usines, péages, successions de lomos de burro (dos d'âne), contrôles routiers, centres-villes affairés, supérettes fournies, banlieues coquettes avec jardins soignés et piscines, taudis, estancias isolées, fermettes, églises, poteaux télégraphiques alignés à perte de vue, chaussées en plaques de ciment, quadrillages de maisonnées éparpillant de rares noms de villages sur la carte.

Soleil. Franchissement du rio Parana, fleuve boueux, réseau de rivières et marécages, Mésopotamie. L'autre passage se situait 600 km plus loin.
Routes vers le nord, en direction du soleil. Cumulus rangés comme les livres d'une bibliothèque, arbres en fleurs, mirages, gauchos (bergers cavaliers, épousant leur monture), vaches innombrables, moutons, chevaux, nandous (cousins de l'autruche), mares, arbres, écoles familiales agricoles numérotées, ondulations imperceptibles du relief, voitures de musée, badauds impressionnés par notre muy lindo (très beau) véhicule, infractions aimablement mentionnées par la police, repérages facilités par Pampan (notre GPS) : « tourner à gauche dans 287 km » (c'est-à-dire demain).
Après une dizaine de jours, nous ressentons enfin le bonheur de voyager...

Le camion est formidablement spacieux, la maison joliment confortable. La vie de famille s'organise.
Lever avec le soleil. Ecole 4 matinées par semaine, ravitaillements, détente des enfants, cafés Wi-Fi (à dénicher), route, discussions en roulant, chants, FM locales, lecture pour Romain (premiers romans sans images), 2 siestes pour Marine.
Pique-nique ou restaurant le midi, empenadasparilladas (viandes et cochonailles au barbecue). Arrêt dans des bourgades avant la nuit. Petits-déjeuners et dîners à la maison.
Musique et pétarades nocturnes, concerts de chiens. Éveils froids (10 à 15 degrés à l'intérieur), emmitouflés pour économiser la chaudière. Coin cuisine avec réfrigérateur, congélateur, gazinière, four, évier. Plan de travail idéal pour changer un bébé. Une quinzaine de placards atitrés. Toilettes de chat dans la salle de bain. Eaux usées, dont les toilettes, vidées discrètement dans la nature.
Sophie et Bruno dorment dans le grand lit (toute la famille s'y retrouve joyeusement le matin), Marine sur le bord à gauche du grand lit et Romain dans le lit dépliant au-dessus de la table. Il reste 2 places dans le couchage dépliant de la banquette à la place de la table, pour les invités. De même dans le camion.

Pour les souvenirs, Romain rédige son cahier de voyage, Bruno les articles du blog. Communiquer sur Internet avec Pimpin (notre iPhone) exige énormément de patience, nous ne rédigeons pas encore nos messages personnels.
Sophie (surtout) est grandement accaparée par Marine. L'intendance et la route consomment l'essentiel de notre temps. Notre espagnol balbutie.
Sur le papier, avec environ 250 km par jour (sur route), nous semblons stagner et redoutons déjà de ne pas pouvoir « boucler » notre itinéraire. « La peur de manquer d'eau devant le puits plein n'est-elle pas déjà la soif inextinguible ? » (Khalil Gibran)

Continent aux spectacles gigantesques. Prodigieuses monotonies à apprivoiser. Une maison sur un camion. En famille, nous ne pouvions rêver mieux.
En route pour découvrir notre univers !

samedi 12 septembre 2009

Emménagement dans la casa rodante

Accueil à l'auberge de Gavilan, près du premier site argentin de parapente. Notre maison repose sur l'herbe, l'intérieur (de prime abord) paraît minuscule.
Barbecue sous l'auvent. Perruches vertes, chevaux, collines jaunes et noires. Apprentissage de la piste avec le pick-up. Au sommet, soleil couchant sur un horizon de courtes montagnes, manège des voiles et de condors impassibles. Ciel hurlant d'étoiles.
L'atmosphère limpide se réchauffe lentement, puis se noie dans la bruine glaciale du vent du sud, soufflé de l'Antarctique. Un orage éclate.

Nous disposerons de cinq jours pour tout préparer, profitant des soins de notre hôte et de douches chaudes. Papiers officiels, assurance, avitaillement en vivres, ustensiles, eau, gaz, électricité et carburant. Installation, rangements, adaptation à un espace restreint sans séparations (hormis les toilettes), récupération du décalage horaire, accoutumance au froid nocturne, manque de repos et de détente, appréhensions.
Rentrée des classes, avec un seul élève.

Avec du savoir-faire et les 4 jacks (vérins électriques), nous déposons en 2 temps 3 mouvements (environ) la « maison » sur le « camion » :

La Cumbre

Départ pour La Cumbre, au nord de Córdoba. Dix heures et demie de bus de nuit. Immenses fauteuils semi-allongés. Le paysage se plisse à l'aube. Village de western, mignonnes boutiques en bois, trottoirs et arbres, lumière limpide, quiétude.

Guy nous recueille au quai des bus avec notre futur pick-up, tout simplement gigantesque. Nous aurons quelques jours pour nous familiariser avec notre maison sud-américaine roulante...

vendredi 11 septembre 2009

Matériel embarqué



« L'homme libre voyage avec une seule valise. » (le papa de Bruno)
Mais notre couple, avec son enfant et son bébé, peine à caser tout son « nécessaire » :
  • 2 sacs à dos d'adultes, sac à dos d'enfant, sac de bardas, sac à dos porte-bébé, poussette, petit sac à dos courant, ceintures de voyage ;
  • gamme de vêtements du très chaud (bobs, lunettes de soleil) au très froid (polaires, vestes, bonnets, gants), sandales, chaussures de randonnée ;
  • livres scolaires pour l'enseignement du CE2, mini-dictionnaire espagnol ;
  • petit matériel de dessin et de peinture ;
  • réserve pour le bébé de nourriture, de lait et de couches ;
  • siège-auto pour bébé ;
  • pharmacie (crèmes solaires, pansements, anti-moustiques, antalgiques, anti-diarrhéiques, adaptés aux 3 tranches d'âge) ;
  • nécessaire de change, de toilette et de couture ;
  • premiers éléments d'une boîte à outils à constituer sur place (normes américaines), lampes de poche (à manivelle), chargeurs ;
  • iPhone, dit « Pimpin » (compagnon de voyage), combinant : appareil photo, caméra, walk-man, répertoire de documents, accès Internet Wi-fi, divertissements, téléphone ;
  • appareil photo numérique ;
  • carte IGN du Cône Sud (1:4 000 000), GPS Garmin avec cartes du monde et de l'Argentine, guide Lonely Planet « South America on a shoestring » ;
  • carte Visa Premier, carte Visa (de secours), compte Jazz International (aucune commission sur les retraits) ;
  • assurance responsabilité civile et assistance, incluse avec la carte Visa Premier pour les 90 premiers jours, puis AVI International ;
  • passeports, certificats de vaccination (fièvre jaune), permis de conduire internationaux, copies.

Nous pourrions emporter de surcroît : un ordinateur portable, sa médiathèque de disques et de films, des livres, des jeux éducatifs, une (véritable) caméra, une guitare... et plus encore. Mais le bonheur de voyager ne réside-t-il pas pour une part dans toutes les entraves dont on sait se libérer ? Sinon, « ailleurs, c'est ici quand on y est. ».

De surcroît, nous rêverions de pouvoir poursuivre notre voyage même si notre véhicule nous faisait défaut. Notre matériel doit donc être (humainement) transportable, ce qui s'avère difficile lorsque la moitié de nos 40 kg d'effets concerne le bébé, qui ne porte absolument rien.

« L'homme un peu libre voyage avec un peu de valises. » (nous)

jeudi 10 septembre 2009

Buenos Aires

Deux courtes journées à arpenter le centre ville, avec la poussette. Digues du Rio de la Plata. Nostalgie du tango. Fournées de viandes. Malbec, le vin rescapé de nos vignobles. Immense cité en mutation. Visages de l'Europe, gentillesse de l'Espagne, façades de la France hausmannienne, chaussées des Etats-Unis. Soleil, frimas. Délicieuse soirée avec Manou (française) et Javier (argentin) au El Refugio, un ancien club pour émigrants galiciens.

Romain est un voyageur accompli (Espagne, Liban, Syrie, Sénégal, Tunisie). Marine nous surprend agréablement, répand ses sourires, mais l'attention qu'elle requiert complique notre intendance et absorbe de notre énergie. Manou et Javier nous aideront précieusement.

mercredi 9 septembre 2009

Vol de jour


Ligne de départ et équateur franchis. 11 500 km, en une multitude de films et de plateaux repas, de l'aube au crépuscule de l'ancien et du nouveau mondes. Chaleureux accueil de Manou et Javier, nos connaissances dans la capitale argentine, absorbée par le repéchage de son équipe de fútbol pour le mondial.

De nuit, les autoroutes de Paris et de Buenos Aires se ressemblent. Péages jusqu'au vieux quartier de San Telmo. L'hôtel Carly est décrépi, notre chambre plus haute que large, les sanitaires tristes et froids, la patronne avenante, le calme plus important toutefois que dans la rue, son site Web un fabuleux trompe-l'œil.

Dès 3 heures du matin, décalage horaire (de 5 heures) oblige, Marine crapahute. Promenade dans les couloirs en chaussettes et polaires, il nous manque des allumettes pour chauffer un biberon.

Les ouvriers sortent, les fêtards rentrent. Romain entame son cahier de voyage, Marine éparpille tous nos effets dans la chambre, elle a (aujourd'hui) carte blanche, pour ne pas réveiller nos voisins.

A 10 heures, nous nous élançons enfin à la découverte de la vie. Ciel frais et pur. Café Nonna Bianca avec Wi-Fi pour une première connexion au blog (réussie), premiers churros, premiers balbutiements en espagnol. Buenas !

jeudi 3 septembre 2009

Quittons nos pénates

Aujourd'hui, acheminement Lyon-Versailles en TGV pour nous approcher de l'avion. Ultimes étreintes éplorées. N'avons nous rien oublié ?

La presse commente l'événement. Nos ennemis soufflent. Nos amis trinquent. Le conseil municipal délibère sur l'opportunité de sceller une plaque à notre effigie...