jeudi 1 avril 2010

Eaux du ciel

L'eau claire glisse sous les kayaks, Marine s'est endormie sous la pagaie de sa maman, avec Jesús nous longeons la côte de la péninsule Capachica. Collines verdoyantes en fin de saison des pluies, maisons de terre brune sombre avec étage, tôles parfois recouvertes de végétaux, murets de pierres rondes, cris des animaux de la ferme, fleurs tropicales, Andes enneigées sur l'horizon. Lac Titicaca, berceau nuptial de Mamo Ocllo et Manco Cápac, enfants divins de la lune et du soleil.
Sur la plage, nous partageons repas et jeux, essoufflés et au crépitement d'un transistor, avec les enfants d'un orphelinat : truite du lac, once de salade et toutes sortes de tubercules. Nul doute, une wawa (bébé) blonde ouvre toutes les portes, surtout lorsqu'elle console les éplorés.
Promenades, gentillesse, métier à tisser. Semaine sainte. Rencontres sportives au stade, cérémonies. A chaque village ses coutumes et ses chapeaux : de paille, en feutre, melon, en forme de calabasse, en équilibre inouï et ridicule, carré en laine avec pompons... Alentour, on parle aymara et quechua.

La « fête ». Place, église et municipalidad de Llachón, restaurées sans excès de goût.  Caciques en habits, joueurs de mandoline, cierges, étoffes, fouet de cuir des bergers, caisses de bières. Allées et venues, rituel, signe de croix au sol, apposition de chapeaux, distributions de feuilles de coca, anisette, Kola Real, rhum, verres rincés au plancher, crachats, attentes. Nuit, froid, lainages, pantin géant au nombril béant. Ivresse, infirmes, urine des bébés, chants lugubres, tristes convives vautrés, bavardages, cris extérieurs. Guirlandes, seynette, spectres en jupon agitant clochettes, outils, boulettes de coton, gerbe végétale, échelle. Le Christ décloué et promené dans un cercueil de verre aux coins de la place, sombre prêtre avec bonnet et sonnerie de mobile, une quarantaine de fidèles, ambiance moribonde, discours avec bouteille et écharpe, bâillements, désertions, silences. A l'approche de minuit, faces ignobles, sinistres vieilles comme les jokers d'un tarot maudit, cadavres cireux, regards torves. « Mister, prenez des photos ! ».

Au nord-ouest de notre itinéraire, à une quinzaine de degrés de l'équateur, notre cap s'infléchit vers la Bolivie.

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